Encadrement juridique de la vente en ligne de vins, bières et spiritueux
Résumé
La vente en ligne de vins, bières et spiritueux est une opportunité pour les professionnels du secteur.
Il faudra toutefois veiller à respecter les règles applicables à la vente en ligne de manière générale, ainsi que les règles propres à la commercialisation de ces produits.
Le marché de la vente de vins, bières et spiritueux en ligne connaît un essor important tout en demeurant encore modeste par rapport à la commercialisation traditionnelle tant sur le marché intérieur qu’à l’export.
Il est donc assez raisonnable de penser que la première continuera de se développer à un bon rythme, sans néanmoins s’aventurer à affirmer si elle le fera au détriment ou en complément de la seconde.
I. Règles propres à la vente en ligne
Le droit du e-commerce mobilise, selon que le commerçant traite avec un professionnel (B2B) ou un consommateur (B2C), le droit commercial ou le droit de la consommation.
Le droit civil et le droit des contrats spéciaux, notamment le contrat de vente, trouveront naturellement à s’appliquer.
La relation entre professionnels appelle peu de développements en ce qu’elle obéit à une importante liberté contractuelle.
On peut cependant relever que les vins, bières et spiritueux sont exclus du champ d’application de l’article L. 441-1-1du Code de commerce (réglementation EGalim 2), conformément à l’annexe du décret n° 2021-1426 du 29 octobre 2021. Néanmoins, les bières de malt et les bières sans alcool ne sont pas exclues. S’ils ne sont pas expressément visés, il est probable que les vins désalcoolisés ne soient pas exclus non plus.
La relation entre professionnels et consommateurs est encadrée plus strictement par le droit de la consommation.
Le socle de la relation entre le professionnel et le consommateur se situe au niveau de conditions générales de vente qui sont obligatoires. Le professionnel devra donc les communiquer sur son site et sur support durable, accompagnées de mentions légales conformes et d’une charte données personnelles exposant les modalités de collecte et de traitement des données personnelles.
Un site de vente de vins, bières et spiritueux en ligne voit s’appliquer les règles spécifiques au contrat conclu à distance, lequel est défini comme « tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu’à la conclusion du contrat » (art. L. 221-1 du Code de la consommation).
On ne considérera pas qu’il y a contrat conclu à distance dans le cas où le site est un site purement vitrine sans possibilité d’achat en ligne, simplement destiné à présenter les vins d’un ou plusieurs vignerons.
Par contre, en cas de modèle de vente « click and collect » le contrat reste conclu à distance et les règles spécifiques s’appliqueront donc.
Dans le cadre de la vente à distance, outre l’obligation générale d’information précontractuelle, les professionnels sont tenus d’indiquer certaines informations supplémentaires prévues pour les contrats à distance, et notamment celles relatives aux conditions de livraison et au droit de rétractation.
En effet, la vente à distance pose la question du droit de rétractation, lequel confère au consommateur la possibilité de se rétracter d’un contrat déjà conclu, ce dans un délai de 14 jours (art. L. 221-18 et s. du Code de la consommation).
Dans le cas d’une vente à distance, le délai court à compter de la réception du bien par le consommateur. Dans le cas d’un abonnement (box « découverte » par exemple), le délai court à compter de la réception du premier bien.
Cela suppose pour le professionnel de prévoir et d’anticiper ce droit de rétractation et d’encadrer ses conditions de mise en œuvre, dans les limites permises par la loi. Notamment se posera la question du retour et du caractère fragile des biens livrés.
Que faire en cas de bouteille ouverte par le consommateur ?
La loi précise que « la responsabilité du consommateur ne peut être engagée qu’en cas de dépréciation des biens résultant de manipulations autres que celles nécessaires pour établir la nature, les caractéristiques et le bon fonctionnement de ces biens » (art. L. 221-23 du Code de la consommation).
Il est certain qu’ouvrir une bouteille contribue à la dépréciation du produit, le consommateur pouvant vérifier la nature et les caractéristiques du produit en regardant l’étiquette. En principe donc le professionnel pourra opposer, sinon un refus de retour, à tout le moins, un refus de remboursement du produit qui aura perdu toute valeur.
A noter qu’il existe quelques exceptions au droit de rétractation qui ne peut notamment pas être exercé pour les contrats « de fourniture de boissons alcoolisées dont la livraison est différée au-delà de trente jours et dont la valeur convenue à la conclusion du contrat dépend de fluctuations sur le marché échappant au contrôle du professionnel » (art. L. 221-28, 7°, du Code de la consommation).
Dans le cadre d’un contrat de vente à distance, l’obligation de délivrance emporte également obligation de livraison effective au consommateur.
En effet, il est prévu que : « le professionnel est responsable de plein droit à l’égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance, que ces obligations soient exécutées par le professionnel qui a conclu ce contrat ou par d’autres prestataires de services » (art. L. 221-15 du Code de la consommation).
Le professionnel est donc responsable, vis-à-vis du consommateur, des éventuelles pertes et avaries subies par le bien lors du transport, et ce jusqu’à remise du bien au consommateur, y compris lorsqu’il fait appel à un transporteur.
II. Les règles propres à la commercialisation des vins, bières et spiritueux
La vente de vins, bières et spiritueux en ligne répond également à une deuxième série d’obligations inhérentes à la vente de produits alcoolisés.
Tout d’abord, il convient de rappeler que la vente à distance de boissons alcoolisées par le biais d’un site internet est assimilée à une vente à emporter conformément aux dispositions de l’article L. 3331-4 du Code de la santé publique.
Dès lors, l’exploitant du site internet devra détenir :
- soit la petite licence à emporter qui permet de vendre des boissons sans alcool et des boissons fermentées non distillées jusqu’à 18° de titrage d’alcool telles que le vin, la bière, le cidre…
- soit la licence à emporter qui permet de vendre toute boisson dont la consommation est autorisée, sans limitation de titrage d'alcool.
Ces licences n’autorisent pas à vendre en vue d’une consommation sur place et ne pourront donc servir que pour la vente à distance ou à emporter.
Par ailleurs, on pensera à l’ensemble des prescriptions de la Loi Evin (Loi n°91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme) qui édicte des règles propres aux communications sur les produits alcoolisés.
Il est notamment nécessaire d’insérer dans le site marchand la phrase classique : « l’abus d’alcool est dangereux pour la santé » généralement accompagnée d’une seconde partie sur la nécessité d’avoir une consommation modérée et responsable.
La loi Evin ne précise pas l’endroit de l’insertion de cette phrase, celle-ci se devra néanmoins d’être apparente, ce qui exclue de la reléguer dans une catégorie du site qui ne serait pas imposée dans le parcours d’achat.
Certains sites choisissent donc de le rappeler dès l’arrivée sur le site sur une page interstitielle, d’autres, les plus nombreux, le rajoutent en pied de chaque page ou dans les conditions générales de vente (concédons néanmoins que cela n’a guère de sens sur le plan juridique).
Comment le site internet doit-il gérer l’interdiction de la vente aux mineurs ?
La loi n’impose pas de filtrer le trafic du site internet en fonction de l’âge. Aussi, beaucoup de sites se contentent-ils d’une page interstitielle insérée à l’entrée sur le site internet au cours de laquelle l’utilisateur est invité à déclarer sur l’honneur qu’il est bien majeur. Il nous semble qu’une page ou un bandeau rappelant la prohibition de la vente aux mineurs est le plus adapté.
Rien n’interdit à l’exploitant du site marchand de procéder à une vérification de l’identité de l’acquéreur. S’il y procède, il doit se conformer à la règlementation sur la collecte et le traitement des données personnelles.
On ne saurait trop recommander à l’exploitant, s’il ne met en place la vérification de l’identité de l’acheteur, de faire preuve néanmoins de vigilance en cas de discordance entre les informations fournies par l’acheteur. Encore faut-il que les filtres, s’ils sont mis en place, soient suivis d’effet.
L’exploitant peut-il procéder à des publicités en ligne ?
La publicité en ligne est autorisée aux conditions cumulatives des articles L. 3323-1 et L. 3323-4 du Code de la santé publique.
Notamment :
« La publicité autorisée pour les boissons alcooliques est limitée à l'indication du degré volumique d'alcool, de l'origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l'adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d'élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit. »
On déconseillera donc vivement :
- d’avoir recours à des formules laudatives,
- d’insinuer que la consommation d’alcool présente des vertus thérapeutiques,
- de viser, à travers ces annonces, un public mineur.
Par ailleurs, on retrouvera ces interdictions dans les conditions générales de services des principaux moteurs de recherche.
Plus généralement, la ligne éditoriale et les éléments visuels du site devront respecter la règlementation de la publicité des alcools.
Aussi, la communication mise en place sur le site ne doit pas :
- viser majoritairement un jeune public,
- faire de mise en scène festive ou suggestive, on invitera ainsi à privilégier les images neutres des produits, du lieu de production, du lieu de commercialisation.
Ces conseils sont évidemment extensibles à la communication mise en place sur l’ensemble des réseaux sociaux sur lesquels est présent l’exploitant du site internet.
Ces derniers aspects doivent d’autant moins être sous-estimés au regard tant des risques de sanctions administratives venant des instances étatiques (DGCCRF, DDPP) que de poursuites judiciaires d’associations de prévention des risques d’addiction.
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