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Etude de cas : l'AOC Cahors Enjeux de valorisation

Résumé

Aux confins de la science politique et du droit, l’article présente la situation singulière mais pas isolée de la valorisation du vin de Cahors, entre système de l’appellation et mise en avant du cépage. 

Résumé 

Aux confins de la science politique et du droit, l’article présente la situation singulière mais pas isolée de la valorisation du vin de Cahors, entre système de l’appellation et mise en avant du cépage.

Cahors AOC

Création : 1971

Couleur : Rouge

Cépage principal : malbec N, 70% minimum

Cépages accessoires : merlot N, tannat N, 30% maximum

Aire d’appellation : 45 communes du Lot-et-Garonne, 21 107 ha, environ 4400 ha plantés

Interprofession : Union interprofessionnelle du vin de Cahors (UIVC)

Introduction

Comme souvent, l’entrée la plus évidente pour étudier une AOC consiste à analyser quelques étiquettes. Si parfois, on ne trouve rien de très concluant, c’est-à-dire rien de particulier, ici un détail saute aux yeux. Un fait assez peu commun pour les vins d’AOC, il est très souvent fait mention du cépage, le malbec. Le plus souvent, cette mention est de la même taille que l’appellation « Cahors », mais il arrive qu’elle la dépasse, voire qu’elle relègue l’AOC à la contre-étiquette comme c’est le cas pour les vins du château Lagrézette, un des cahors les plus réputés. Précisons tout d’abord que cette mention de cépage n’indique ni un vin mono-cépage et ni concerne tous les vins en AOC Cahors. En effet, la mention d’un cépage seul est autorisée dès lors que le vin contient au minimum 85% de ce dernier1. En l’occurrence, l’AOC Cahors fixant le pourcentage de malbec à 70% minimum, il n’est pas possible pour tous les cahors de mentionner le malbec seul sur son étiquette. Apposer « malbec » sur l’étiquette indique donc (à condition de connaître cette règle) que ce cépage est majoritaire à hauteur de 85% et peut être interprétée comme une distinction interne à l’appellation. Mais ces mises en avant (et aussi cette mise en retrait) peut également être interprété comme une stratégie marchande : le cépage ferait tout autant – voire plus – acheter que l’appellation.

Le nom de « malbec » n’est d’ailleurs pas autochtone, la dénomination officielle du cépage que l’on retrouve dans le cahier des charges étant le « côt N » (suivi d’une mention du « malbec » entre parenthèses) et la dénomination locale l’« auxerrois ». Deux thèses différentes sur l’origine de ce nom, il pourrait s’agir d’une référence à la ville d’Auxerre, qui supposerait une parenté bourguignonne du cépage, ou bien il s’agirait d’une déformation du nom d’un château de la région : « Haute-Serre ». Identique au gentilé de la ville de l’Yonne, on comprend facilement que ce nom local ne soit pas revendiqué.

Le vignoble de Cahors fait partie de ce l’on nommait usuellement dans le Bordelais le « Haut-Pays ». Se situant sur les rives du Lot, affluent de la Garonne, ses vins devaient inévitablement passer par Bordeaux pour rejoindre des destinations d’export, notamment l’Angleterre. Ce fut d’ailleurs lorsque l’Aquitaine fut sous domination de celle-ci (XIIIe-XVe) qu’on se mit à utiliser le terme de « privilège de Bordeaux ». En l’occurrence, on désigne par ce terme la priorité de la cité à écouler ses vins avant ceux du Haut-Pays durant les périodes de foires franches suivants les vendanges. Si ces foires furent bien un privilège accordé par les souverains, les restrictions sur les vins du Haut-Pays semblent bien d’avantage être une liberté prise par la cité que celle-ci fit passer pour privilège ultérieurement2. Ces pratiques eurent dans tous les cas pour effet de freiner le rayonnement des vins du Haut-Pays, ceux-ci, bénéficiant de conditions climatiques plus favorables, furent vraisemblablement utilisés à des fins d’amélioration des vins de Bordeaux, notamment de coloration. On trouve néanmoins des traces de la réputation du vin de Cahors au Moyen-Âge et à l’Époque Moderne. Sa robe sombre lui aurait conféré le nom de « vin voir », et il aurait eu les faveurs de grands monarques européens.

L’écrivain quercynois Ferdinand de Laroussilhe dans un article de 1904 intitulé Les vins du Querci et les privilèges de la ville de Bordeaux avant la Révolution (1453-1776)3 écrivit : « Les bourgeois, le parlement et les commerçants de Bordeaux sont ceux qui ont fait le plus de mal au Querci » et utilise cette formule : « la tyrannie de la cité de Bordeaux ». Lors des débats du début du XXe siècle portant sur la délimitation des vignobles, il fut question de l’incorporation du Haut-Pays dans le vignoble bordelais. Malgré une certaine rancœur historique illustrée par ces dernières citations, une telle extension était souhaitée par les producteurs des vignobles en amont, voulant profiter de la réputation du bordeaux, tandis que les girondins y étaient réticents et souhaitaient une délimitation suivant le découpage du département. C’est bien finalement cette dernière option qui fut choisie en 1911 laissant donc aux mains des Cadurciens la valorisation de leurs vins.

En 1929 fut créée le Syndicat de défense du vin de Cahors, et en 1930 le tribunal civil de la ville statua que « les vins rouges de Duravel comme tous ceux récoltés sur les côtes du Lot et sur les plateaux avoisinants ont droit à l’appellation d’origine « Vin de Cahors » ». Cette appellation ne devint pourtant pas immédiatement une AOC à la suite du décret-loi de 1935. Ce fut alors un objectif revendiqué par le Syndicat. Dans cette mesure, le vin accéda au statut de VDQS (vin délimité de qualité supérieur) en 1951, un statut intermédiaire entre le vin ordinaire et l’AOC. Ce fut finalement vingt ans plus tard que la création de l’AOC fut acquise, à la suite de deux démarches qualitatives notables, la limitation du rendement à 45 hl/ha en 1958 et une modification de l’encépagement en 1966 : retrait des cépages blancs, de la dame noire, du valdiguié et du gamay du Lot, introduction du merlot, de l’abouriou, du tannat et de la syrah dans les 30% complémentaires du malbec. Finalement, en 1971 « justice was made » selon l’expression d’Hugh Johnson4 : Cahors devint une AOC.

Cette réussite du passage en AOC n’est pas pour autant une fin en soi, encore faut-il promouvoir cette nouvelle appellation. Le passage en AOC multiplia par 10 la taille du vignoble en trente ans 5 (440 ha en 1971 à 4400 ha en 2001), et l’aire d’appellation totale restait de 21 708 ha. Ces trente années sont parfois localement qualifiées de « trente glorieuses ». Si les ventes en France permirent cette croissance, le cahors peinait à s’exporter, entre un cépage peu considéré et un terroir peu connu. C’est ici que le cas de Cahors se révèle être particulièrement intéressant dans les stratégies de valorisation, on peut identifier trois stratégies non exclusives se succédant chronologiquement : une hiérarchisation de l’AOC (I), une mise en avant du cépage (II), et une mise en avant de l’histoire (III).

I- Hiérarchisation de l’AOC

En 1980, l’homme d’affaires Alain Dominique Perrin (surnommé ADP), alors président du joaillier Cartier, fit l’acquisition du château Lagrézette et de ses vignes. Dans une interview en février 2008, le principal intéressé se confie sur ses motivations concernant cet achat :

« En fait, je n’ai pas acheté le château, pour le vin. Au départ ce fut plutôt un hasard. Cahors étant une région que j’adore, j’ai voulu réaliser mon rêve de toujours en achetant un château. Avec celui-ci, il y avait un vignoble en friche. Aimant faire les choses à fond, ayant le goût de l’excellence et de la perfection, j’ai choisi de réhabiliter ce vignoble. »6

Pour faire « les choses à fond », il est commun de s’associer à un éminent œnologue, alors parfois qualifié d’« œnologue consultant », le propriétaire faisant valoir sa position dans le champ économique, et l’autre dans le champ vitivinicole. Le choix fut porté sur une étoile montante : Michel Rolland. Cependant, augmenter seule la qualité de son vin ne suffit pas, et il souhaita des réformes concernant l’AOC. Pas étonnant qu’un businessman du monde du luxe considère que la charge symbolique d’un produit contribue autant à sa valeur que sa qualité. Il existe déjà tout un lexique de l’excellence si bien établi qu’il est difficile de ne pas l’adopter. Les grands crus, premiers crus etc. sont à la fois les symboles et les garanties matérielles de l’excellence. Tout vignoble en instance de promotion doit s’ajuster sur ce déjà là qui marque depuis longtemps les grands vignobles.

À la fin des années 90, l’idée d’une hiérarchisation notamment défendue par ADP fait son apparition. D’un point de vue de géographie physique, et pour simplifier, on peut séparer le vignoble cadurcien en deux : d’un côté la vallée, zone alluviale, et de l’autre les causses, zone calcaire propice selon les experts pour faire de meilleurs vins. Le projet de hiérarchisation de l’AOC Cahors s’appuyait sur ces différences. Il prit forme à partir de 1997, quand le Syndicat de défense de l’AOC Cahors, avec le soutien de l’INAO, fit appel à des géographes. Parmi eux, Éric Rouvellac dont la thèse7 soutenue en 1998 portait sur les différents terroirs de l’AOC. Dans un article ultérieur (2015) : La construction des appellations viticoles et la géographie juridique8, le géographe expose ce projet de hiérarchisation dans un contexte assez particulier où le scientifique (ou l’expert) devient en quelque sorte le législateur, ou au moins prescripteur de la « loi ». Le choix de la forme de cette hiérarchisation fut une pyramide que Rouvellac représente comme telle (figure 1)9.

Figure

Pyramide de potentielle hiérarchisation de l’aire AOC Cahors

Cette proposition fut élaborée avec l’aval de producteurs. Si la méthode de travail des géographes reposait essentiellement sur l’analyse des sols, force est de constater que la logique scientifique se confrontait à des enjeux économiques et juridiques. L’AOC dite « sous-régionale » répond par exemple à un accord entre viticulteurs : seul 10% de l’aire y aurait le droit, ce qui représente tout de même 44% de l’aire viticole réelle.

Le travail de Rouvellac s’arrêtera cependant à l’AOC communale : « Le Syndicat de défense de l’aire AOC doit d’abord s’accorder avec l’INAO sur les noms que pourront porter ces différents niveaux, les experts nationaux demeurant réservés sur la possibilité d’employer le mot « cru », réservé implicitement aux appellations majeures du pays. »10. Ce projet s’apparente (bien que cela ne soit pas explicitement dit dans l’article) largement au modèle bourguignon. Pour plus de clarté voici une comparaison graphique. Les chiffres retenus pour le « Cahors grand cru » est au milieu des deux proposés (250 ha à 350 ha, donc 300 ha), tandis que celui de l’AOC sous-régionale est celui de 2300 ha en supposant le caractère incitatif à planter qu’aurait pu avoir cette promotion pour les 450 ha non plantés.

Figure

Surfaces du projet de hiérarchisation de l'AOC Cahors,

Pourcentages par rapport à l'aire d'appellation /

Pourcentages par rapport à la surface réelle plantée en AOC

Figure 3

Surfaces des AOC de Bourgogne selon le BIVB

Si l’on prend les chiffres par rapport à l’aire d’appellation de l’AOC Cahors, on constate qu’à l’exception du sommet ou le pourcentage est relativement proche (1.38% et 2%) entre la prévision de Cahors et la Bourgogne, les écarts sont grands entre les autres étages dans le sens de moins de surface proportionnelle dans les étages intermédiaires en Cahors et logiquement de plus à la base. En revanche, si l’on compare avec les chiffres, pouvant être plus révélateurs, de la surface plantée, on remarque l’exact inverse. L’AOC sous-régionale aurait même représenté plus de 50% de la surface plantée, et l’AOC Cahors de base moins de 20% ce qui constitue un paradoxe pour un modèle pyramidal. Cela nous éclaire considérablement sur le poids qu’ont pu avoir les viticulteurs sur le pourcentage réservé à une appellation supérieure, qui, s’il peut paraître raisonnable – voire très raisonnable – par rapport à l’aire d’appellation (10%) se retrouve être majoritaire par rapport à la surface plantée réelle. Même en supposant un rendement inférieur qui aurait pu être soumis pour une production en Cahors « sous-régional », les quantités produites auraient été supérieures à celles de l’appellation « générique ». En l’occurrence, consciente de ce paradoxe et alertée sur la qualité considérée comme insuffisante de certaines zones de l’aire d’appellation, l’INAO posa une condition à cette réforme : une révision de ladite aire, et donc supposément une perte de l’AOC pour certains producteurs.

Alain Dominique Perrin (suivi par l’ensemble des négociants) s’était engagé dans ce qu’on pourrait nommée une campagne de valorisation du vignoble de Cahors. Incontestablement la politique de qualité imprimée à son propre domaine participait à la montée en prestige du vignoble. Son château et quelques autres comme Triguedina, Les Cèdres, Haute-Serre, Mercuès, en furent des sortes de porte-drapeau. Une réputation était en train de se consolider auprès des professionnels et des amateurs. Si des vignerons y contribuaient par leur travail dans les vignes et les chais, Alain Dominique Perrin disposait de ressources exceptionnelles d’un businessman bien introduit dans les milieux économiques et politiques. Quand le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin se déplaça à Cahors, il se rendit illico en hélicoptère au château Lagrézette avec le décret de classement. On comprend mieux les réactions de dépit après le sort réservé à la promotion du cahors.

Le projet fut finalement soumis au vote à la filière le 17 décembre 2002, et contrairement aux attentes d’Alain Dominique Perrin alors président du syndicat des négociants et de l’interprofession et de Jean-Marie Sigaud président du syndicat des vignerons, la majorité des 400 votants présents se prononcèrent contre le projet, notamment les petits producteurs inquiets du déclassement de leurs parcelles. Cet évènement reste un traumatisme, la presse relate même qu’on faillit en venir aux mains. ADP démissionna aussitôt de ses fonctions et, pied-de-nez à ses opposants, s’empressa de reléguer la mention « Cahors » à la contre-étiquette. Le négoce suivit, et se désintéressa complètement du cahors, faisant connaître au vignoble une crise de plusieurs années.

Figure 4

Données de l’UIVC in Institutions et territoires du vin en France : le cas de l'A.O.C. Cahors (réf. 3)

Comment expliquer ce qu’on peut bien appeler un fiasco ? Après une telle campagne, un vote de rejet résonnait comme un échec collectif. Il faut ici tenir compte des différences entre viticulteurs, certains étant déjà engagés dans un marché de l’excellence et d’autres ancrés dans le monde paysan. Les prix du vin des premiers augmentaient, ceux des seconds stagnaient. On peut aisément se représenter l’écart entre un PDG de haute joaillerie mondialement connu et les paysans vignerons du Quercy. La faconde d’Alain Dominique Perrin n’avait manifestement pas suffi à convaincre tous les petits vignerons, plus nombreux, des bénéfices de la hiérarchisation du cahors. On retrouve ici un cas idéal typique de différence que Robert King Merton a analysé entre cosmopolites et localistes11 : d’un côté, un projet porté par un patron du luxe international orienté vers la montée en valeur et la mondialisation ; de l’autre, des paysans attachés à leur terroir et méfiants à l’égard de l’étranger. Certains y verront un cas exemplaire d’opposition de types d’intérêts ou à en juger par les résultats financiers immédiats, tout le monde est perdant.

A moins qu’apparaisse une stratégie alternative. Alain Dominique Perrin avait reçu un camouflet. On imagine qu’un homme de cette trempe n’allait pas en rester là. Son expérience des vins du Nouveau monde lui offrit cette alternative par le cépage. Certes, on savait que le malbec, cépage historique mais quelque peu dévalorisé dans son terroir traditionnel de Cahors, connaissait une vraie résurrection en Argentine, mais de là à s’emparer d’une telle signature, il fallait l’oser.

II- De l’échec au malbec

« Je fais du malbec, point. J'avais fait faire une enquête en France sur cahors dans les années 80. Elle a montré que le vin de Cahors n'évoquait rien pour les Français. Et à l'étranger, le mot est imprononçable » « Cahors est un poids. La marque est illisible et précédée d'une mauvaise réputation » 12

Malgré la crise entrainée par l’échec du projet de hiérarchisation, une nouvelle possibilité de valorisation apparut. Outre-Atlantique, les producteurs argentins misèrent sur le malbec, et le cépage eut un succès retentissant aux Etats-Unis. La montée en puissance de ce cépage permit à l’interprofession de mener une nouvelle campagne de promotion s’appuyant sur trois axes : le noir, le malbec et le terroir. L’idée était, tout en s’appuyant sur la popularité du cépage, de se démarquer de la concurrence argentine, qui n’est d’ailleurs pas tout à fait perçue comme une concurrence. Si le malbec argentin est populaire, alors le malbec français a tout autant de raisons d’être apprécié, voire plus. Les différentes publicités émises par l’interprofession associent « cahors-malbec » (le site internet fut d’ailleurs renommé un temps cahorsmalbec.com), sur fond de couleur noire, et au fil des ans les trois axes seront déclinés dans les messages publicitaires « Cahors, the Original Malbec », « Cahors, the Capital of Malbec », « Cahors, the French Malbec » ou encore « Cahors, the Terroir Malbec ».

Figure 6 : Affiche de l’UIVC de 2007

Alors que la France était censée donner le ton aux pays du monde entier, emprunter au Nouveau Monde son lexique vinicole inversait la relation entre le modèle et ses épigones. L’initiative était audacieuse et subversive mais intervenait dans une conjoncture favorable de montée en prestige des vins latino-américains. À Cahors, elle passait pour une réappropriation de la tradition et était portée par un entrepreneur audacieux, surtout fâché avec son appellation.

III- Légitimation par l’histoire ?

Pour se distinguer du malbec argentin, la mise en avant du terroir passa aussi par une référence à l’Histoire. Si les sud-américains peuvent aussi faire valoir la beauté et les conditions idoines pour la viticulture des contrebas de la cordillère des Andes, ils ne peuvent définitivement pas faire remonter l’histoire de leur production à l’Antiquité ou au Moyen-Âge. Dans cette mesure, l’UIVC finança des historiens dès 2014 pour mener des recherches sur le vin de Cahors. Celles-ci furent dirigées par Léonard Laborie (CNRS) et Pascal Griset (Sorbonne). À l’occasion du 50ème anniversaire de l’appellation, un cycle de conférence se tint à la Sorbonne, filmé et mis en ligne par l’interprofession. Si l’intérêt promotionnel direct de ces productions intellectuelles peut sembler léger, il s’agit de démarches essentiellement à usage interne, permettant également un appui sur des références solides dans les communications de la filière.

Se demander si c’est la montée en gamme qui provoque une modification de l’appellation vers une structure hiérarchique ou si c’est la mise en place de ce type de règlement qui entraine une montée en gamme serait probablement partir d’un point de vue trop mécanique. Que la montée en gamme de certains domaines entraine ses propriétaires à vouloir officialiser cette supériorité, c’est certain, le cas de Cahors le démontre. Que les systèmes hiérarchiques d’appellation provoquent une montée de la qualité et des prix, cela serait logique, mais ce n’est en tout cas pas l’appellation Cahors qui peut le démontrer, du moins jusqu’à présent.

En effet, l’échec de 2002 n’a pas mis fin au projet de hiérarchisation. Si le mot en est presque devenu tabou dans la filière cadurcienne, ses dirigeants font souvent part d’un objectif : la reconnaissance des terroirs. Ainsi, un projet de classification non-hiérarchique, en l’occurrence ajoutant deux mentions complémentaires pour désigner les vins des rives et ceux des causses, est aujourd’hui en marche. Première étape vers une hiérarchisation ? C’est ce que laissa entendre Pascal Verheague alors président de l’UIVC en évoquant la Bourgogne.

« Nous ne voulons pas faire de cépage malbec, mais de grands malbecs de terroir. Nous sommes le vignoble français qui ressemble le plus à la Bourgogne. La classification de nos terroirs a échoué en 2002. Nous la relançons aujourd’hui. »13

Un projet de hiérarchisation a d’ailleurs de quoi être perçu par la filière comme d’autant plus intéressant de nos jours : le succès du malbec ayant ouvert la voie à l’exportation, des « grands crus » (qui en général sont largement plus exportés que tournés vers le marché intérieur) représenterait une étape de plus vers l’internationalisation du cahors. De surcroît, des nouvelles mentions de terroirs au sein de l’AOC seraient quant à elle un moyen de plus pour se démarquer de la concurrence argentine, et peut-être de remettre « Cahors » au centre de l’étiquette.

Notes

  • Régl. UE n° 2019/33, art. 50.
  • Dion R., Histoire de la vigne et du vin, CNRS, Paris, 2010, p 387.
  • De Laroussilhe F., « Les vins du Querci et les privilèges de la ville de Bordeaux avant la Révolution (1453-1776) ». Bulletin de la Société des Etudes du Lot 29, 3 (Cahors, 1904): 263-287.
  • Johnson H., The world atlas of wine, A complete guide to the wines and spirits of the world, Mitchell Beazley, Londres, 1971.
  • Ditter J.-G. et J. Brouard, « Institutions et territoires du vin en France : le cas de l'A.O.C. Cahors. » Géographie, économie, société, vol. 14, n°3, 2012, p. 303-325.
  • A. D. Perrin, in K. Pellegrino, « Alain-Dominique Perrin, un homme pas comme les autres ! », Luxe Magazine, février 2008.
  • Rouvellac É., Les terroirs de l'aire A. O. C. Cahors, étude géographique, thèse de géographie, Toulouse II dir. R. Lambert, 1998.
  • Rouvellac É., « La construction des appellations viticoles et la géographie juridique », Géographie(s) et droit(s), vol. 6 n°1, mars 2015.
  • Ibid. 8 Figure 4.
  • Ibidem
  • Merton R. K., Éléments de théorie et de méthode sociologique, Plon, Paris, 1965.
  • A. D. Perrin, in L. Vennin, AFP, « Cahors : le vin noir n’a plus à rougir » SudOuest.fr, 24 janvier 2016.
  • P. Verheaghe, in B. Collard, « Les deux aires de Cahors », Vitisphère, 16 mai 2018

Auteurs


Adrien Garrigou

Pays : France

Biographie :

Doctorant, école doctorale droit et sciences politiques, université de Bordeaux

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