Droit de la propriété intellectuelle vitivinicole

Vins nature : apologie du vide (juridique)

Résumé

Si le vin dit « nature » existe pour de vrai, il demeure un OJNI : un objet juridique non identifié. Le droit devrait-il alors l’étiqueter formellement pour mettre fin à la polémique ? Le débat, passionnel, passionnant, suppose de revenir sur les traits fondamentaux de ce type de vins et sur la manière dont ils se sont construits en marge de la norme institutionnelle. Et s’il fallait surtout que la réglementation n’encadre pas, n’entrave pas, cet art vinicole et le laisse librement vagabonder dans le champ gravitationnel du non-droit ?

Le verre et la plume

Depuis 25 ans, j’ai été le témoin de la naissance, de la croissance, et de la crise de la trentaine maintenant, de ce qu’on appelle les vins naturels ou « nature ». Étudiant, je suis tombé le nez le premier dans cette potion magique. Impossible d’en ressortir1. Longtemps les découvertes, les rencontres, la passion ont pris toute la place. Plus rien pour le cérébral, et moins encore que rien pour le droit ! Mais mon addiction à l’écriture l’a emporté pour réfléchir, toute honte bue, sur un objet culturel et social qui interroge le rapport au vin, mais aussi à la consommation, au plaisir, et même à la norme. Ce qui fascine en effet dans les vins nature, autant que ce qui irrite, repousse, c’est bien la dimension hors norme, transgressive des mœurs vinicoles et de l’esprit analytique et cartésien français. Dans une civilisation entièrement standardisée, corsetée par la réglementation, ces élixirs soufflent un esprit de liberté et de joyeuse anarchie. Modernes, ils sont un antidote à la modernité.

La thèse, que je voudrais ici esquisser, est qu’on ne régente pas l’art. Car plus que des biens manufacturés ordinaires, les vins nature sont des œuvres du domaine de la création, originalement libres, comme la musique, la cuisine, la sculpture, la danse… Si on produit des vins sans additifs depuis le début de la civilisation vinicole, ce n’est que récemment qu’ils sont devenus un objet esthétique en soi, inscrit dans des références à la fois intellectuelles et gustatives. Et si en les considérant uniquement comme des vins, on passait à côté du sujet ? « Ceci n’est pas un vin » aurait sûrement peint Magritte le rouge aux lèvres. Jamais le surréalisme hier, ou le surnaturel aujourd’hui, ne sera soluble dans la norme administrative. Mais revenons en arrière nous abreuver à la source.

Appellations incontrôlées

Initialement, la terminologie de « vins naturels »2 prévalait, avant que ne s’impose, dernièrement, celle de « vins nature »3. Ce vocabulaire est d’abord réactif : il s’érige contre. L’objet se veut l’antithèse des vins fabriqués, construits, maquillés (par le bois, les levures exogènes, les correcteurs œnologiques…), qui ont envahi le marché dans la fin du XXème siècle. Naturel s’oppose ici à artificiel. Positivement cette fois, l’idée est de signifier, non pas que le vin se fait tout seul par le miracle de la nature, mais que l’homme accompagne un processus biologique de transformation, le sublime, sans le dénaturer. La quête de naturalité « se traduit par une recherche d’authenticité, de pureté originelle, de transparence, de traçabilité, de vraisemblance à partir de produits bruts ou peu transformés »4. Est-ce à dire que l’homme ici s’effacerait derrière l’œuvre du fameux terroir ? Idée fausse. Paradoxalement, ces vins de vignerons – et non de domaine ou de château - reflètent beaucoup plus la personnalité de leur auteur qu’un simple écosystème. Ils sont nietzschéens : humains, bien trop humains !

Parce que les producteurs débordent d’imagination, d’autres intitulés ont défilé sur les étiquettes : « vins vivants », « vins sains », « vins sans soufre ajouté », « vins sans intrant », « vins sans interventions vulgaires » … Selon les cas, on insiste plus sur le « sans » - pour dire ce qu’il n’y a pas de mauvais ou de cochonneries –, ou sur le « avec » - qui souligne une qualité que les autres n’ont pas : la vie, la pureté, l’émotion. Tout est juste. Rien n’est faux. Tout dépend sur quoi on veut mettre l’accent (aigu ou grave). Mais comment le consommateur, poussant son caddie en ferraille, peut-il s’y retrouver ? Comment protéger la fameuse ménagère des abus textuels ? Les producteurs n’en avaient cure… jusqu’à hier.

Séance d’initiation au vin nature

Sociologiquement, les vins nature ont grandi dans un monde d’initiés qui savent, par-delà les mots, la chose qu’ils boivent. Leur palais seul est roi ! Preuve en est qu’à l’inverse des « buveurs d’étiquettes », ils dégustent surtout à l’aveugle. Ainsi que le disait mon frère (ancien caviste du Fruit Défendu à Poitiers), les vins nature plaisent à ceux qui n’y connaissent rien et à ceux qui s’y connaissent beaucoup. Les premiers n’ont pas le goût formaté par le jaja à papa et accueillent l’étrangeté la bouche ouverte. Les seconds sont ceux qui ont fait le tour des vins conventionnels et qui, de grands crus las, recherchent le frisson de l’originalité.

En revanche, pour le public du milieu, abreuvé aux standards de la médiocrité, c’est une autre paire de manches. Sans repère aucun, il peine à comprendre, donc a tendance à rejeter. Parabole politique ! S’ensuivent des perceptions erronées et de regrettables amalgames. Combien de fois ai-je entendu, en présence d’un léger gaz carbonique, que le vin « pique » ou « travaille ». Combien de convives déroutés par un fruit trop présent – le goût du raisin - et des sulfites trop absents. Ainsi, pour les simples buveurs du dimanche, tous les vins naturels, aux premiers godets, se ressemblent. Moins pardonnables sont les philosophes, comme Michel Onfray, qui ont fait l’association entre l’odeur sauvage de certains vins et la pratique de la biodynamie (utilisant des préparations à base de bouse de vache)5. Pourtant il n’y a strictement aucun rapport : les arômes fermentaires ou de réduction sont dus au mode de vinification des raisins et non aux intrants apportés à dose homéopathique à la vigne. Ces remarques en disent finalement long sur l’ignorance générale de la fabrique du vin, y compris chez les pseudo-connaisseurs.

Chassez juridiquement le naturel, « il revient au goulot »

Pire qu’un médicament, presque autant qu’une centrale nucléaire, le vin est un produit dangereux donc hautement réglementé. Il faut prémunir le consommateur contre les fausses allégations et le protéger contre lui-même d’un produit encore alcoolisé (cela ne saurait durer !). Aussi l’usage du terme « naturel », accolé à la boisson « vin », pose-t-il problème6. Deux exemples légaux tout de même : les « vins doux naturels » et la méthode « brut nature » pour les vins mousseux. En dehors de ces cas, le droit vinicole ne goûte guère la référence à Dame Nature.

D’une part, il convient de ne pas induire le consommateur en erreur par des termes confusionnants ou équivoques7. Certains ont, par exemple, pu critiquer la cohabitation de l’appellation d’origine contrôlée (AOC), qui fait référence au terroir travaillé par l’homme, et de la vinification naturelle, évocatrice du laisser-faire, voire du laisser-aller.

D’autre part, la mention « naturel » ne fait pas partie de celles qui sont listées sur l’étiquetage des bouteilles. Non réglementée tu es, interdite (soi-disant) tu seras ! Voilà la position traditionnelle de l’administration française qui a longtemps fait la chasse – et non la cour - aux vins prétendus naturels8. Selon une note de la DGCCRF - dépourvue de la moindre valeur juridique -, « le vocable « naturel » ou tout autre mot ou expression ayant substantiellement la même signification devrait être réservé à des denrées alimentaires provenant de la nature et présentées à la vente en l’état ou après une transformation mécanique n’entraînant pas de modification profonde »9. Le raisonnement est de dire que la dénomination « vin nature » n’existe pas comme catégorie dans les textes européens10 qui ne font référence qu’au « vin »11. Sauf que, comme le rappelle très bien mon collègue Ronan Raffray12, il est tout à fait possible d’utiliser en matière d’étiquetage du vin des indications facultatives13, parmi lesquelles « les mentions relatives à certaines méthodes de production ». Or, ces mentions-là ne sont pas limitativement énumérées14 : elles sont libres du moment qu’on dit vrai ! Ainsi, le fait que l’administration française condamne par principe l’usage des termes « naturels » pour le vin15 n’est qu’une doctrine (réfutable) sur laquelle la justice ne s’est jamais prononcée et qui n’est fondée sur aucune base juridique solide16. On aurait aimé ici un recours pour excès de pouvoir !

S’aventurer sur le terrain des allégations nutritionnelles des denrées alimentaires n’est guère plus convaincant17. Certes, les boissons titrant à plus de 1,2 % d’alcool en volume ne peuvent pas comporter d’allégations de santé18. Mais les termes « naturels » ou « naturellement » ne sont pas, en tant que tels, qualifiables d’allégations sanitaires en ce sens qu’ils ne revendiquent pas un quelconque bienfait pour la santé humaine.

Pour clore cette discussion, on ne confondra pas la répression de l’expression de la naturalité avec celle du non-respect des qualités mêmes du vin. C’est cette dernière mésaventure qui est arrivée en 2019 au vigneron ligérien Sébastien David, sommé de détruire toute une cuvée au motif qu’elle excédait les normes admises pour le taux d’acidité volatile. Les règles générales vitivinicoles s’appliquent à tous les types de vin, quel que soit leur genre.

Définition au banc d’essais

Si on laisse quelques négationnistes dans leur jus, l’existence du vin nature est maintenant une évidence observable, sans jumelles, dans toute la galaxie vitivinicole. Avant même le moindre cahier des charges, le concept reposait sur des règles de base communes simples, avec quelques petites variables.

Au titre des impératifs catégoriques figurent la conduite de la vigne et les méthodes de vinification des raisins. À la vigne, il y a consensus pour dire que l’agriculture biologique est incontournable. Tous les vins naturels sont, ab initio, des vins biologiques et en respectent les canons européens. Service minimum. L’exigence s’explique par l’éthique et par les besoins du mode de vinification, notamment le travail des levures indigènes qui ne doivent pas avoir été éradiquées en amont par les traitements chimiques. Ensuite au chai, c’est plus que biologique (« more than organic » pour reprendre Pierre Jancou), en tout cas plus que la réglementation applicable aux vins bios. Qui est un buveur averti évite les vins biologiques, sans âme, commercialisés en magasins éponymes. Parce que ces vins peuvent avoir subi une vendange mécanique, qu’ils continuent d’accepter beaucoup d’additifs et auxiliaires œnologiques19, ainsi que certaines pratiques20 dommageables à la structure des moûts. Surtout, les doses de soufre SO2 admises en bio restent anormalement élevées : 100 mg/l pour les rouges et 150 mg/l pour les blancs secs et rosés. Autant dire, avec de tels matraquages, qu’il n’y a rien qui ressemble plus à un vin conventionnel qu’un simple vin bio !

Comparativement, les vins nature s’interdisent, lors de la vinification, tout usage d’intrants et d’additifs, ainsi que les techniques physiques qualifiées de brutales et traumatisantes (osmose inverse, filtration, filtration tangentielle, flash pasteurisation, thermovinification, centrifugation). La vendange manuelle n’est pas même une option !

Un critère crée cependant des dissensions au sein de la communauté : l’usage du SO2. Certaines familles de vins nature ne l’autorisent pas du tout (vins SAINS), d’autres seulement à l’embouteillage lorsque le vin est fini (Vin Méthode Nature), d’autres enfin se laissent le droit d’en user parcimonieusement avec des teneurs maximales ne dépassant pas les 40 mg/l. Ce point de crispation est fâcheux. Intégrité ne doit pas rimer avec intégrisme. Autant l’excès de soufre est un facteur bloquant dans les vins traditionnels (y compris bios) en ce qu’il empêche l’expression de leurs qualités organoleptiques. Autant à des dosages faibles (moins de 30mg/l), on peut se régaler d’excellents vins vivants. Pour citer Sylvie Augereau, « je préfère 1 gramme de soufre à un gramme de volatile ». Même si, de mon expérience personnelle, le nec plus ultra est toujours atteint par des vins sans aucun sulfite ajouté réalisés par des vignerons orfèvres (Overnoy, Courtois, Calcut, Derain, Beaufort…) sur de grands terroirs.

Les défauts de leurs qualités

Une qualité fait consensus à propos des vins nature : ils ont le goût de ce qu’ils sont. Impossible de les confondre avec des vins traditionnels. C’est un indéniable avantage par rapport à beaucoup de produits biologiques (légumes, viandes…) gustativement indistincts. Le néophyte, comme l’amateur, décèle au premier nez un vin nature. N’est-ce pas une partie de la réponse aux questionnements sur l’identité – potentiellement trompeuse - de tels produits ?

L’idiosyncrasie des vins nature tient à des traits de caractère familiaux, plus ou moins prononcés selon leur profil pédoclimatique (cépage, région, âges des vignes, temps de macération, élevage…). De manière générale, il s’agit de vins proches du fruit, du raisin fermenté. Beaucoup sont marqués par la minéralité, y compris étonnamment dans les vins rouges. De là souvent une forme de légèreté, d’apesanteur, par rapport aux breuvages conventionnels. Moins sulfités, ils sont aussi moins âpres et durs. Plus digestes (même si on n’a pas le droit de l’écrire) ! Mais s’il n’y avait qu’une qualité à retenir, la plus discriminante, ce serait la fraîcheur aromatique, cette indescriptible sensation d’équilibre entre l’alcool, le fruit et la matière. À cet égard, les vins nature sont en phase complète avec la haute gastronomie moderne, qui fait de l’acidité la colonne vertébrale de ses préparations culinaires.

N'empêche que ce qui alimente les polémiques depuis 30 ans, ce sont les fameux défauts. Il y a une part de vrai, une part seulement. Les vins nature, pour certains d’entre eux, présentent de réelles anomalies organoleptiques qui gâchent la dégustation. Personne dans le milieu ne prétend le contraire. Sauf que c’est un risque que le vigneron-cascadeur accepte de prendre. Le meilleur est au prix du pire ! Les défauts les plus fréquents sont l’oxydation – à ne pas confondre avec la trame oxydative – qui donne le « goût de souris », l’acidité volatile qui fait tirer sur le vinaigre, l’excès de gaz parfois qui durcit le vin, les arômes de réduction (quand ils persistent malgré l’aération) ou de brettanomyces (mauvaises levures) ... Personnellement je ne bois pas de ce tonneau-là. Pas plus que les producteurs de vins eux-mêmes qui, contrairement à la réputation, sont extrêmement sévères avec ces défauts et les reconnaissent comme des échecs. Pour avoir passé des jours et des nuits (blanches, rouges, rosées) chez les vignerons, j’ai vu ce que deviennent ces bouteilles et cuvées « intordables » : directement à l’évier ! Un nectar sinon rien !

Mais avec ces déviances rédhibitoires, il ne faut pas mélanger ce que j’appellerais les défauts « normatifs ». Les consommateurs patentés (ou pas tentés !), amateurs ou professionnels, tiqueront sur ce qu’ils perçoivent comme des détails oenologiquement incorrects : un vin un peu trouble ; qui présente un léger perlant ; un blanc un tantinet oxydatif ; une acidité au-dessus de la normale… Ce n’est pas ce qu’on apprend à l’école de sommellerie ou en BTS « viti-oeno ». Si on cherche ici la petite bête, on la trouvera toujours, et c’est tant mieux. Dans les maisons de campagne bourrées de charme, il y a aussi des murs fissurés, des toiles d’araignée et des planchers qui grincent. Mais certains préfèreront toujours les pavillons neufs aseptisés. Choc des civilisations vinicoles parfois dur à encaisser !

L’erreur, si je puis me permettre, est qu’un vin nature ne se déguste pas à la manière stéréotypée qu’on décrit dans les livres. D’ailleurs, il ne se déguste pas, il se boit. Pas avec sa bouche seulement, mais avec son système digestif. Tout ne se passe pas dans les voies aériennes, la rétro-olfaction ; le corps tout entier, en l’ingérant, s’imprègne et vibre du liquide éthylique. Allez faire comprendre ça avec des mots ! Rien de mystique, c’est physique. Pour en faire l’expérience, rendez-vous dans un salon de vins, testez-en des centaines (en recrachant !), et vous verrez qu’à la fin votre corps (sobre mais saturé) fera le tri entre ceux, amis, qui vous font du bien et les autres. Il faut beaucoup goûter pour se dégoûter.

Alternormativisme

Le monde des vins nature, dans les trous noirs du non-droit, a su recréer son propre univers normatif, avec une démarche subversive de renversement de l’ordre vinicole établi. Cela a commencé par l’apparence des bouteilles. Dans la valse des étiquettes, point de château bourgeois, de médailles, de pompeux discours sur les arômes du vin ou l’histoire du cru, mais un graphisme original, des jeux de mots douteux, parfois de mauvais goût. L’antithèse de l’esprit de sérieux qui a envahi la vitisphère. Plutôt le vin comme une fête. Seule l’étiquette souvent est sobre ! Une communication de taiseux. C’est à peine, à une époque, si les vignerons (bourrus) déniaient afficher le label bio. Parce que, pour eux, l’idée compte toujours moins que le vin lui-même.

Mais au-delà de l’esthétique des flacons, ce sont de nouveaux codes du vin qui ont débarqué. Dans la façon d’en parler d’abord. Les vins nature s’accompagnent d’un autre langage, beaucoup moins pontifiant et mystifiant, plus technique et ciselé. On s’intéresse ici aux sols, au travail de la vigne, au mode de vinification. Le vin a-t-il fait sa « malo » ? A-t-il subi le choc de la « mise » ? Est-ce une vendange « grappe entière » ? Un vin fait en « carbo » ? De vie de sommelier, on n’a jamais entendu ça dans la bouche pleine des clients ! Les vins nature marquent paradoxalement un retour à la chimie organique du vin. Réduction, oxydation, acidité volatile, refermentation en bouteille, sucre résiduel, font partie du vocabulaire courant du milieu. Tout le discours des œnologues en coulisse réinvesti et travesti.

Ensuite, ce sont les normes de consommation du vin qui ont été chamboulées. Le carafage est remis à l’honneur (à proscrire cependant pour les vins fragiles !). Le dégazage même pour évacuer, telle la bouteille d’Orangina, l’excès de gaz carbonique. Le rapport au temps change lui aussi. Les vins, parce que vivants, évoluent sur la durée, s’ouvrent, se referment comme des portes sur un autre monde, goûtent plus ou moins bien selon leurs phases. Une bouteille ouverte, surtout exempte de sulfites, est également une bouteille à finir, sous peine des ravages de l’oxydation. Leçon d’éphémérité ! Plus fringants et fruités, les vins se boivent souvent plus jeunes, pour eux-mêmes, à l’apéritif, à quatre heures, en fin de soirée... Attention toutefois à ne pas réduire les vins nature à cette mode du « glou-glou ». Nés sur de beaux terroirs et bien élevés, beaucoup se gardent de longues années durant sans subir les outrages du temps. J’ai encore le souvenir ému de bouteilles de savagnin ouillé de Pierre Overnoy (Arbois)21 de vingt ans d’âge qu’on aurait cru embouteillées la veille !

Avec ces vins, il n’y a plus une manière figée de déguster, mais une myriade : à l’aveugle, à l’improviste, à la bonne franquette, à l’orée de la piste de danse, à l’amoureuse, à l’occasion d’un grand évènement. Toutes procèdent de la même philosophie : le refus de l’intellectualisation du vin ; la primauté de la dimension spontanée, instinctive, physique, sur la dimension cérébrale. Pas besoin, pour jubiler, d’être un connaisseur, ni même un amateur. Au placard la scolastique œnologique – enseignée lors des fameux cours - sur la robe du vin, ses larmes, le premier nez, les caudalies… C’est tout bonnement la fin de l’approche syllabique de la lecture du vin – qui décompose ses éléments - pour l’avènement d’une lecture globale. Voilà déjà une évolution « é-norme ».

La typicité des origines

Les vins nature entretiennent avec les appellations d’origine (AO) une relation tumultueuse. En effet, un certain nombre de vignerons de cette mouvance, et non des moindres, ont très tôt décidé de sortir des AOC pour commercialiser leurs productions en Vin de France (anciennement Vin de table). L’utilisation de cépages non conformes au cahier des charges de l’AOC a parfois pu motiver cette stratégie d’évitement. L’assouplissement de la législation sur les vins de France, notamment la possibilité d’apposer un millésime sur l’étiquette, a aussi joué. Or, voir des cuvées prestigieuses, parfois parmi les meilleurs du terroir, arborer le VDF ringardisait l’image même de l’AO, déjà dégradée par les vins de supermarché à bas prix. De quoi interroger dans les rangs serrés de l’INAO.

Il faut dire que ce sont, la plupart du temps, les appellations elles-mêmes qui ont mis au ban les « vins d’auteurs ». Étant donné qu’à la vigne et au chai, ces produits sont plutôt exemplaires de l’esprit de l’appellation, c’est sur le goût qu’ils ont été refoulés à l’entrée. Manque de typicité ! Voilà le motif d’exclusion généralement formulé par les comités de dégustation qui agréent les vins. Décision qui soulève deux problèmes : la subjectivité des jurés dégustateurs (au palais en bois parfois !), et la notion même de typicité qui, avec les années, a dérivé loin de la qualité pour refléter la similarité avec les autres vins de la zone. Ainsi, plus les vins de l’appellation, avec les techniques œnologiques modernes, se sont standardisés, moins les vins artisanaux leur ont ressemblé.

Pourtant, le vœu profond de nombre de vignerons nature est d’intégrer leur appellation et de la faire rayonner22. Ce lien reconnu au terroir fait authentiquement partie de leur démarche. En retour, les AO ont heureusement assoupli leur doctrine et donnent désormais plus facilement leur bénédiction aux vins nature, nonobstant leur caractère atypique.

La mort au tournant ?

Depuis leur émergence dans les années 1990, les vins nature ont connu un succès planétaire fulgurant qui a peu d’équivalents. Phénomène de mode pour leurs détracteurs, ils sont désormais un phénomène de société. Je me souviens autrefois de produits confidentiels réservés à quelques initiés, vendus par des échoppes quasi clandestines. Aujourd’hui le site « Raisin », véritable carte aux trésors pour l’amateur, recense en 2024 3010 vignerons et plus de 7000 bars et restaurants dans le monde. La plupart des villes ont leurs cavistes et restaurants qui les distribuent. Au cœur de la métropole bordelaise, dans l’antre de la tradition vinicole, les établissements – très qualitatifs - qui proposent des vins naturels ont explosé. Même la très célèbre Revue des vins de France accorde une place substantielle à ce genre de vins. Fini l’ostracisme ! Le terme « naturel » n’est plus du tout péjoratif dans la sphère gastronomique, comme en témoigne le Guide Michelin qui le note positivement ! Et quel bonheur de découvrir à la carte des chefs étoilés de grandes et belles références de vins nature, voire des productions plus confidentielles pour clientèle avertie ! Bizarrement, là où on mange bon, on boit bon !

Mais la déferlante des vins nature peut-elle se poursuivre sur le moyen et long terme ? Le secteur est aujourd’hui confronté à des défis de taille qui ne vont que croître. Les vins nature sont d’abord frappés par des problèmes de production. La viticulture biologique, plus saine pour l’environnement est aussi plus exposée aux aléas phytosanitaires. À cet égard, le dérèglement climatique va augmenter la pression des maladies et des ravageurs sur le vignoble français. Sans parler des épisodes de gel et de grêle qui seront plus récurrents. La filière n’est évidemment pas la seule concernée par ces phénomènes globaux23. Sauf que le modèle économique de la plupart des producteurs24 de vin nature rend leur entreprise particulièrement vulnérable au changement d’environnement. Dans certaines régions, les rendements sont si aléatoires et faméliques qu’ils hypothèquent la survie de nombreuses petites exploitations. S’ensuivent deux autres effets pervers.

Le premier est la hausse vertigineuse des prix. Longtemps, ces « vins de copains » restaient financièrement abordables. On pouvait même dire que, rapport qualité/prix, ils étaient concurrentiels avec les vins classiques. Ce temps béni est révolu. Années difficiles, baisse tendancielle des rendements, augmentation des coûts de production, ont eu raison de produits « bon marché ». À l’époque où nous tenions, avec mon frère, la cave « Le fruit défendu » à Poitiers, 80 % des références étaient en dessous du prix symbolique de 15 euros (100 francs pour les anciens !). Chez un caviste analogue aujourd’hui, c’est à peine s’il y a 10 % des vins dans cette gamme. L’exception naguère de vins coûtant une vingtaine d’euros est devenue la norme.

Cette politique tarifaire plutôt haut de gamme est justifiée par les vignerons et les revendeurs. N’empêche qu’elle change considérablement l’image de ces vins, désormais réservés à une clientèle urbaine aisée. Clientèle qui peut se montrer plus volatile et moins tolérante envers certaines imperfections. De là aussi une crise des débouchés commerciaux qui afflige le secteur : plus de producteurs, moins de consommateurs, et des prix qui volent toujours haut. Les lois de l’économie sont impitoyables ! D’autant que pour ces montants-là, le public est en droit de s’attendre à des produits qualitativement exceptionnels et pas seulement à des « vins de soif ». Force est de déguster que c’est loin d’être le cas. Il n’y a pas de miracle s’agissant de jeunes vignerons reprenant de jeunes vignes sur de petits terroirs.

Plus fondamentalement, en devenant des produits de luxe, les vins nature renoncent à leur idéal originel : être accessibles au plus grand nombre ; faire partie de l’alimentation générale de la population. L’élitisme est un échec qu’ils partagent avec d’autres produits biologiques, qui ne se départissent pas d’une clientèle cataloguée bobo-écolo. Pour ma part, je regrette qu’il soit devenu difficile, voire impossible, de diffuser ces vins dans les milieux populaires : aux barrières culturelle et gustative, il faut maintenant ajouter la barrière – infranchissable - économique.

La crise productive a entraîné une seconde dérive : le recours de plus en plus fréquent à des achats de raisin de la part des vignerons. Beaucoup ont en effet créé des structures de négoce destinées à s’approvisionner à l’extérieur de l’exploitation, parfois même dans d’autres régions éloignées. L’avantage est que ces vins « hors-sol » sont moins onéreux que les vins du domaine. L’inconvénient, si la pratique se généralise, est une perte de lien entre le produit et le terroir, qui affaiblit l’authenticité du message du vin nature. J’y vois aussi le risque, à terme, d’une séparation accrue entre le métier de vigneron et le métier de vinificateur, comme on a connu avec le système des coopératives vinicoles et comme le pratiquent des modèles plus industriels, par exemple celui de la bière. Les vins de négoce, si on n’y prend pas garde, pourraient représenter une fuite en avant qui ne colmatera pas les brèches d’un secteur en proie au doute.

Le dernier grand défi des vins nature sera de conserver leur identité, menacée par un parasitisme commercial de plus en plus prégnant. D’où l’appel du droit à la rescousse !

Solutionnisme juridique

Même le milieu anarcho-libertaire du vin nature n’a pas pu s’éloigner indéfiniment de la force d’attraction de la norme juridique.

Tout part, à la base, d’une question de chapelles, de clans, au sein de la mouvance. Il y a des maîtres à penser comme à vinifier. On trouve, parmi les actuels vignerons, des disciples de Marcel Lapierre, de Pierre Overnoy, d’Eric Pfifferling, d’Henri Milan, de Frédéric Cossard, de Jean-François Nick… Le style des uns n’est pas le style des autres. En interne, le débat sur la nature du vin naturel a toujours existé, entre plus ou moins puristes. Ces palabres ont toutefois pris récemment un accent normatif. À cause du risque aux frontières ! En effet, la menace vient de la banalisation de l’usage des termes « naturels », « sans soufre », « vivants » que reprend une fraction très commerciale du marché. Comme chacun peut le constater en rayons, les industriels du vin ont décidé de surfer sur la vague du « sans » et du retour à la nature. Or, on a vu que ces qualificatifs, parce que litigieux, n’appartiennent à personne, donc à tout le monde !

Empruntant au droit spontané25, la volonté de cadrage formel a d’abord résulté d’une démarche associative. Ainsi l’Association des vins naturels (AVN), figure emblématique du mouvement, a posé sa propre définition du vin naturel : un vin « dont les raisins sont issus de l’agriculture biologique ou biodynamique et qui est vinifié et mis en bouteille sans aucun intrant ni additif ». Tout producteur qui souhaite adhérer à l’AVN doit respecter le cahier des charges strict établi par l’organisation. Dans le même esprit, on trouve l’association des vins S.A.I.N.S. pour Vins Sans Aucun Intrant Ni Sulfite (ajouté), encore plus intransigeante, et dont la charte porte sur les valeurs, le mode de culture de la vigne et les pratiques à la cave. Dans les deux cas, des contrôles à travers des analyses sur les cuvées ou les déclarations de récolte sont prévus pour vérifier le respect des règles et le droit des producteurs de revendiquer, y compris sur l’étiquette, l’appartenance à l’association.

Mais une démarche plus officielle a pris le relais26, dans l’idée d’une normalisation du vin nature auprès des institutions. Elle a pris la forme, en 2019, de la création d’un « Syndicat de défense des vins naturels » pour en fédérer tous les acteurs (producteurs, distributeurs, consommateurs). De là est aussi né un tout nouveau label, « Vin méthode nature » (VMN), avec son logo que les artisans du vin sont en droit d’arborer sur leurs bouteilles à condition de respecter, là encore, un cahier des charges spécifiques27. Après avoir arbitrairement interdit d’accoler vin et nature, la DGCCRF et l’INAO ont adoubé le dispositif28.

L’initiative du « Vin méthode nature » est certainement louable, dans le sens où elle témoigne d’un consensus de la communauté et de l’administration autour de valeurs et de principes partagés. Le résultat est cependant en demi-teinte. Déjà, l’appellation choisie n’est pas très parlante29, même si on comprend qu’il fallait, vis-à-vis des autorités, éviter hypocritement celle de « vin nature » (qu’en fait tout le monde utilise). Pourquoi dire aveugle quand on peut dire non-voyant !

Surtout le problème fondamental est que le dispositif n’encadre absolument pas la production et la commercialisation du vin nature. Les producteurs restent libres, comme avant, de faire ce type de vin et de le revendiquer30 sans se mettre sous la bannière du nouveau logo. Le label n’est pas non plus une mention valorisante officielle31 ; c’est une marque privée32 qui n’a pas pour effet d’interdire aux « usurpateurs » de continuer à employer les éléments de langage des vins naturels. Les questions de la portée de la marque, de l’étendue de son monopole, ainsi que du parasitisme restent donc, à ce stade, non résolues.

Il faudrait, pour que le label s’impose comme véritable référence dans le secteur, qu’il soit massivement employé par les producteurs concernés et systématiquement exigé par les circuits de distribution (cavistes, restaurants, salons de vins…). Autrement dit qu’à la norme juridique se superpose une norme sociale comportementale ! Il aurait alors une petite chance d’être traduit, plus tard, dans la réglementation française, si tant est qu’elle ose ici devancer les textes européens régissant la matière.

La normalisation de la contre-culture

La normalisation, voire la réglementation, des vins nature est-elle une fatalité ? Un progrès ? Une interprétation administrative de la liberté de créer ? J’exprimerai quelques doutes envers ce glissement générateur, à mes yeux, de conséquences plus profondes.

En premier lieu, il est bon de rappeler que l’absence de reconnaissance juridique n’a pas empêché, jusque-là, la croissance insolente des vins nature. Justement parce qu’ils ont su recréer, dans les interstices réglementaires, leur propre univers normatif, infiniment plus subtil que ne le seront jamais les textes de droit. Le vide juridique a en l’occurrence stimulé la création d’habitus, de références, de codes que la communauté – assez homogène – spontanément observe, contrôle et sanctionne à sa manière. Cela grâce à une forme d’autorégulation du secteur qui, sous l’autorité de figures tutélaires reconnues, fonctionne efficacement. Le concept de vin nature, avec le temps, est devenu une sorte de bien commun, géré en commun, par une communauté et une gouvernance diffuses…

En deuxième lieu, il y a le risque, en encadrant le commerce des vins natures, d’en faire un produit commercial. Dès lors qu’un label va faire foi, les portes des temples de la distribution s’ouvriront toutes grandes. Il sera bien plus facile aux acteurs traditionnels – de la production comme de la vente – d’emprunter cette voie, autrefois broussailleuse et désormais balisée. Tout comme il y a en magasins généralistes des rayons de vins bios, il y aura des rayons de vins nature soigneusement étiquetés. Sans intermédiation humaine, c’est l’affichage qui remplacera le goût, renforçant les préjugés des consommateurs, entre ceux qui par principe aiment et ceux qui détestent. Plus de tectonique du hasard ! Pareille évolution irait à rebours de l’effort de beaucoup de vignerons et de cavistes de sortir des catégories binaires et de promouvoir des vins loyaux, sincères, bien faits. Parce que, dans leur esprit, le vin nature est naturel et devrait être la norme, ils récusent qu’il soit une norme (parmi d’autres).

En mettant fin au mystère des vins nature, on peut faire disparaître une partie de leur âme. Jamais un label, basé sur des critères techniques, n’exprimera leur originalité profonde, à savoir d’être des produits à la fois artistiques et vivants. Avec toute œuvre, ils partagent la singularité exprimée par leur auteur. Comme la vie, ils ne sont pas figés, mais évolutifs, soumis aux caprices du temps.

C’est aussi parce qu’ils étaient diabolisés par les pouvoirs publics que les vins nature ont emprunté des chemins alternatifs de mise sur le marché. La prohibition, c’est bien connu, dope la diffusion ! En l’absence d’étiquetage propre, le commerce a dû s’appuyer sur d’autres vecteurs et valeurs : l’initiation, la confiance, la compétence, la transmission orale. D’où le rôle essentiel des « passeurs » que sont les vignerons eux-mêmes, les cavistes, les sommeliers, les restaurateurs, les buveurs, les écrivains… Pour le dire autrement, les vins nature ont été porteurs d’un contre-modèle économique, où l’humain est au cœur, redéfinissant notre rapport à la consommation, au temps, à l’échange, au goût, au plaisir. C’est cet héritage qu’il convient de ne surtout pas dilapider. Et si finalement le vin nature était essentiellement, philosophiquement, une question de culture ?

Notes

  • 1. Je tiens ici à rendre hommage à René et Agnès Mosse qui m’ont longtemps accueilli sur leur domaine et ont donné des sens à ma vie. Je remercie aussi tous les vignerons exceptionnels qui ont jalonné mon parcours, avec une mention spéciale pour : Noëlla Morantin, Claude, Julien et Etienne Courtois, Carole et Corine Andrieu (Clos Fantine), Fabrice Monnin (Mazière), Patrick Bouju, Thierry Puzelat, Raphaël Monnier (Domaine Ratapoil), Gilles Azzoni, Gérald Oustric, Christophe Foucher, Dominique Derain, Renaud Boyer.
  • 2. Ce qui a donné naissance à l’Association des vins naturels (AVN).
  • 3. Construite sur l’apposition du substantif « nature » à celui de « vins », elle permet de signifier qu’ils appartiennent à l’entité « Nature » et en sont les produits.
  • 4. O. Bouclet, Le vin à l’épreuve de la naturalité, Mémoire, Master 2 Droit de l’activité agricole et de l’espace rural, Poitiers, 2021.
  • 5. M. Onfray, Cosmos, Flammarion, 2015, « Théorie du fumier spirituel » : « Je n’ai jamais bu de vin issu de la biodynamie qui ne soit une exécrable piquette ». Phrase qui prouve à elle seule le manque de culture du vin de l’auteur (qui confond au passage « sulfates » et « sulfites » !).
  • 6. R. Raffray, « L’identité juridique du vin nature(l) », OWL, 5 avr. 2024 : https://doi.org/10.20870/owl.2024.8075
  • 7. C. conso., art. L. 212-2 et Règl. n° 1169/2011, 25 oct. 2011, art. 7.
  • 8. C’est pourquoi, fut un temps où les salons de « vins natures », cavistes et bars à vins du genre étaient fréquemment visités par les agents des fraudes pour y dresser procès-verbal du fait d’allégations tendancieuses et licencieuses. Bizarrement les services de l’État se sont montrés beaucoup plus complaisants avec les canaux traditionnels du marché du vin qui abusent du naturel.
  • 9. Note d’information n° 2019-136, « Emploi des termes « naturel », « 100% nature » et de toute autre expression équivalente sur l’étiquetage des denrées alimentaires », Paris, août 2009.
  • 10. Règl. OCM n° 1308/2013, Annexe VII, Partie II, 1).
  • 11. Règl. OCM n° 1308/2013, Annexe VII, Partie II, 1) : « Produit obtenu exclusivement par la fermentation alcoolique, totale ou partielle, de raisins frais, foulés ou non, ou de moûts de raisins ».
  • 12. R. Raffray, « L’identité juridique du vin nature(l) », OWL, 5 avr. 2024 : https://doi.org/10.20870/owl.2024.8075
  • 13. Règl. OCM, n° 1308/2013, art. 120.
  • 14. Règl. délégué (UE) 2019/33, 17 octobre 2018, art. 53 : « Conformément à l'article 120, paragraphe 1, point f), du règlement (UE) no 1308/2013, les produits de la vigne (…) peuvent comporter des indications relatives à certaines méthodes de production. Ces indications peuvent (et non doivent) comprendre les méthodes de production visées au présent article ».
  • 15. Même dans les cas où aucun additif (y compris les sulfites) n’est employé et que le vin résulte du processus naturel de fermentation du raisin !
  • 16. Hormis la répression générale des pratiques commerciales trompeuses (C. conso., art. L. 121-2) pour lesquelles il faut réunir la preuve des éléments matériels et intentionnels de l’infraction.
  • 17. Règl. (CE), n° 1924/2006.
  • 18. Sur ce fondement, une coopérative allemande s’est vu interdire la promotion d’un vin « digeste » (Gazette du Palais, La promotion d’un vin « digeste » n’est pas possible, Actualités juridiques, 7 septembre 2012).
  • 19. Annexe V partie D du RUE 2021/1165 : levures exogènes, gomme arabique, acide citrique, acide L-ascorbique, enzymes pectolytiques, morceaux de bois de chêne, acide lactique…
  • 20. Traitements thermiques ≤ 75°C ; centrifugation et filtration ≥ 0,2 micron ; osmose inverse…
  • 21. Durant les sept années où j’étais en poste à Besançon, j’effectuais régulièrement des pèlerinages à Pupillin pour goûter, in situ, aux miraculeux vins de Pierre Overnoy et de son successeur Emmanuel Houillon.
  • 22. V. le mouvement « Renaissance des appellations ».
  • 23. B. Grimonprez, « Viticulture et réchauffement climatique : le pari de la flexibilité du droit », in Droit, Territoires, Terroirs & Gastronomie en France et au Japon, PUP, 2022.
  • 24. Installations hors cadre familial, structures de petite voire très petite taille, sous-capitalisation des exploitations, absence d’assurance climatique, main d’œuvre et matériel limités, tâches peu automatisées…
  • 25. R. Raffray, « L’identité juridique du vin nature(l) », OWL, 5 avr. 2024 : https://doi.org/10.20870/owl.2024.8075
  • 26. Après des travaux de définition, lancés en 2018, par l’INAO mais abandonnés dans la foulée.
  • 27. V. le plan d’inspection datant de 2020 : https://vinmethodenature.org/wp-content/uploads/V5-PLAN-INSPECTION-VIN-METHODE-NATURE.pdf
  • 28. Ce qui prouve bien que l’usage du terme nature en lien avec le vin n’est absolument pas proscrit par le droit européen, sans quoi l’État français n’aurait pas pu y déroger, même avec le subterfuge du mot « méthode » entre les deux.
  • 29. Le terme « méthode » faisant penser à la méthode traditionnelle des vins mousseux.
  • 30. Par tous les qualificatifs déjà rencontrés : « vivants », « libres », « sans soufre ajouté », « sans additifs », « dans le respect de la nature »…
  • 31. Dont la liste figure dans le Code rural aux articles L. 641-14 et s.
  • 32. Enregistrée à l’INPI en 2021 comme marque figurative (le logo) par le Syndicat de défense des vins nature.

Auteurs


Benoît Grimonprez

Pays : France

Biographie :

Professeur, Droit privé et sciences criminelles, Université de Poitiers.

Spécialité : Droit rural et de l'environnement

Enseignant et chercheur spécialisé en droit de l'agro-écologie, ses travaux portent sur les mutations politiques et juridiques des systèmes agricoles, notamment au regard des questions économiques et écologiques. Il s'intéresse plus largement aux territoires ruraux dans leurs multiples fonctionnalités et aux biens environnementaux que sont la terre, la ressource en eau et la biodiversité.

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